Aujourd’hui, un sujet un peu lourd, mais tellement intéressant. Il s’agit d’une émission sur la chasse au nazis en cavale après la Seconde guerre mondiale, Nazi Hunters.
Ce sujet me fascine depuis longtemps. Le premier récit de chasse aux nazis auquel j’ai été exposé était celui de l’enlèvement d’Adolf Eichmann par le Mossad dans l’ouvrage de Gordon Thomas intitulé Histoire secrète du Mossad (2007). Ce récit m’a peut-être marqué car je le lisais dans le train en route vers Cracovie d’où j’allais visiter Auchwitz-Birkenau.
Pourquoi s’intéresser à ces histoires du passé? Nous avons un devoir de mémoire en regard de l’Holocauste. Mais au-delà de ça, il faut se rappeler que ces hommes et ces femmes qui ont commis des atrocités à nos yeux sont le reflet de tout l’inhumanité qui sied au coeur de chacun de nous. Comme le relève Edgar Morin dans son dernier tome de La Méthode. 6. Éthique (2004):
L’éthique pour autrui nous demande donc d’abord de ne pas rejeter autrui hors de l’humanité. Comme le disait Robert Antelme, qui fut déporté par les nazis, les bourreaux eux-mêmes font partie de cette humanité dont ils veulent nous exclure. L’axiome de Robert Antelme : » Ne retrancher personne de l’humanité », est un principe éthique premier. Ce principe nous demande non seulement de ne pas traiter l’autre comme objet, de ne pas le manipuler comme instrument, mais de ne pas le mépriser ni le dégrader en sous-humain. […] L’offense, le mépris, la haine excluent: exclure l’exclusion requiert l’aversion pour l’offense, la haine de la haine, le mépris du mépris. »
Donc, mon intérêt pour ce sujet repose sur la complexité de ces situations et sur leurs aspects politiques, sociaux, sociétaux, et éthiques – déformation professionnelle oblige.
Or, rien de cela dans l’émission Nazi Hunters. Juste un bon documentaire à saveur de thriller. L’épisode que j’ai écouté portait sur la capture de Gustav Wagner et Franz Stangl. Fasciant. On découvre comment une équipe de journalistes ont débusqué une faction de nazis expatriés en Amérique du sud. Le tout sur un fond de mystère quand l’un des commandants nazis est découvert assassiné à son domicile. Le chasseur est devenu la proie d’un prédateur dont il ignore l’apparence.
L’épisode qui sera diffusé le 29 novembre 2010 portera sur Joseph Mengele. Mon intérêt pour Joseph Mengele est directement lié à mon job, conseiller en éthique de la recherche. J’ai eu l’occasion de lire l’ouvrage I was Doctor Mengele’s assistant (2001) du survivant Miklos Nyiszli. Cet ouvrage m’a marqué à jamais. Vous ne le savez peut-être pas, mais j’ai étudié la question de la vulnérabilité en recherche et la relation entretenue entre Dr Nyiszli et le Dr Mengele illustre les vulnérabilités des individus avec une clarté sans pareille.
Plus largement, la période 1932-1945 propose beaucoup de matériel pour réfléchir les rapports entre science et société. N’oublions pas que les nazis n’étaient pas les seuls à commettre des expériences parfois douteuses – notamment celles de Mengele – mais les américains, les japonais et les canadiens faisaient de même à plus ou moins grande échelle avec, eux aussi, des populations captives. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur les expérimentations japonaises commisses sur les chinois, je vous conseille l’ouvrage de l’historien Sheldon H. Harris intitulé Factories of death: Japanese biological warfare, 1932-1945, and the American cover-up (2002). Perso, je n’ai pu terminer la lecture de cette ouvrage en raison de son contenu graphique et des récits trop précis des souffrances infligées. Un autre ouvrage intéressant est celui de Vivien Spitz intitulé Doctors from Hell: The horrific account of nazi experiments on human (2005). Il s’agit des mémoires de Vivien Spitz, sténo lors du premier procèes de Nuremberg, celui des médecins et du personnel de recherche nazis.
Pour ma part, comme je le disais, nous avons un devoir de mémoire. Il suffit de mettre les pieds à Birkenau pour comprendre que les thèses révisionnistes ne tiennent pas la route.
Lors de ce voyage en Europe, j’ai eu l’occasion de voir l’oeuvre étonnante de Zbigniew Libera, artiste polonais, qui a créé des kits LEGO ayant pour thématique les camps de concentration en 1996. Ses oeuvres, sept boîtes vides LEGO, représentent des scènes de camps de concentration faites entièrement avec les blocs de construction LEGO. Il reste peu loquace sur les motifs derrières cette oeuvre si ce n’est de la mention à l’effet qu’il propose une réflexion sur la rationalisation et l’éducation. Pour un aperçu du reste de son portefolio, vous pouvez consulter la page suivante.
Ping : Des espions, des informations et des poisons « Chez Paré, pas de 'e'… Bienvenue aux dames!