Le Caravage

À l’automne 2010, j’ai commencé une mineure en histoire de l’art par pur plaisir.  Le premier cours suivi fut « L’oeuvre d’art et ses textes » dispensé par Mme Johanne Lamoureux. Grosso modo, elle nous montrait comment l’image suit – ou non – le texte et inversement.  En appliquant un réductionnisme outrancier, disons que l’on y apprend à quel point les histoires ne se transmettent pas uniquement par la tradition orale (incluant le théâtre), mais aussi par la tradition picturale à travers un vaste jeu de va-et-vient d’une forme à l’autre.

St-Jean-Baptiste, Caravaggio (c. 1604)

N’en  reste pas moins que c’est grâce à ce cours si désormais je peux reconnaître un St-Jean-Baptiste (pagne en peau, bâton de pélerin, eau)  d’un St-Christophe (bâton de pélerin, enfant sur le dos ou les épaules, eau) ou encore toute représentation d’un sacrifice d’Abraham/sacrifice d’Isaac (un vieux qui tient un couteau, un ange, un jeune et une chèvre).  Et je vous jure que peu importe l’époque ou le peintre… ces repères iconographiques sont respectés!

Marc Chagall, Le sacrifice d'Isaac (c. 1960-1966)

Abraham sacrifiant Isaac, Caravaggio.

Le cours n’avait rien de facile en ceci qu’il faut quand même mémoriser une série de combinaison d’indices et d’attributs propres à chaque personnage et à chaque histoire.

Si je vous parle de ce cours, c’est afin de souligner qu’il m’a permis d’apprécier encore plus l’exposition du Caravage et des peintres caravagesques qui a cours pour encore quelques semaines au musée des Beaux-Arts du Canada.

C’était fascinant de pouvoir identifier les thèmes représentés à partir des repères et des divers attributs de ces derniers sans même avoir à lire le cartel ou écouter l’audioguide.  Bon!  J’ai quand même interprété un « Judith avec la tête d’Holopherne » pour un Salomé (une femme qui tient une tête dans un panier vs. sur un plateau d’argent), un Saint-Marc pour un Saint-Jérome et un « Orphée » pour un « Saint-François-d’Assise » (un monsieur entouré d’animaux, mais ce dernier doit vêtu de la toge brune des Franciscains attachée avec une corde elle-même ayant trois noeuds vs. un jeune homme habillé d’un drap)… mais qu’importe, ces erreurs m’ont rappelé qu’il reste encore plus de textes à connaître.

Gerrit van Honthorst - un émule de Caravaggio - Saint-Sebastien (c. 1623)

Si l’on regarde le St-Sébastien d’un émule de Caravage (ci-haut), on remarque qu’il est transpercé de quatre flèches.  Or, ce martyr devrait être transpercé d’une quantité innombrable si l’on suit le texte de Jacques de Voragine dans son ouvrage La légende dorée: « Alors Dioclétien le fit lier au milieu d’une plaine et ordonna aux archers qu’on le perçât à coups de flèches.  Il en fut tellement couvert, qu’il paraissait être comme un hérisson » (p.139).  D’autres peintres, comme Rubens, présenteront St-Sébastien avec cinq flèches pour faire échos aux cinq plaies du Christ sur la croix (quatre trous + le flanc) et d’autres, comme Mantegna, avec une pléthore de flèches.

Keith Haring, St-Sébastien (1984). Même stylisé, on reconnaît les repères iconographiques: flèches, poteau.

Cela dit, l’exposition vaut vraiment la peine d’être vue.  Malheureusement, la méduse ne figure pas parmi les toiles sélectionnées pour l’exposition, et c’est bien dommage car elle incarne une partie du génie du Caravage en ce qui à trait à son rendu des expressions faciales.  Vous remarquerez que la bouche de la Méduse dont l’on vient de trancher la tête traduit un juste mélange entre la surprise, le cri, la douleur, et le retournement afin de ne pas se voir dans le bouclier d’Athéna.

Méduse, Caravaggio (1598-99)

Bref, une exposition à ne pas manquer.

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